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Georges Ribemont-Dessaignes ( Les Troubadours Fribourg Egloff 1946) Ò On connait
ce lieu commun des gens qui se piquent de bien penser et qui pour qui la
grandeur de la France commence avec Malherbe: ils ont une moue de ddain en
prononant, la lvre savante: La nuit du Moyen-ge. Eh, bien
sr... Ces gens-l ne voient point la nuit. Les beaux
jardins, les bosquets de roses, les tonnantes perspectives des tnbres o
sĠentasse la vie nocturne troue de vers luisants et seme dĠdens o
couleurs et parfums prennent une vie mille fois plus voluptueuse que sous le
grand soleil que nous connaissons aujourdĠhui, plein de pourrissantes
cruauts et de sanglants panchements, tout cela leur reste lettre morte
(...) Voil pourquoi
on a tant mpris ces Troubadours dĠautrefois, pourquoi on les a laisss
leur lointaine obscurit (...)
On les exclut de la France, ils ne sont pas la France, la vraie
France, celle dont le visage nigmatique est revtu dĠun masque de prudence
et de commodit. Le fait est
que les Troubadours eux-mme ne se considrent pas comme Franais. Dans
quelques-uns des chants quĠils ne consacrent pas lĠamour, ces sirvents satiriques ou combatifs mis au service
dĠune ide ou dĠun personnage, ils nĠont que mauvais termes lĠgard des
Franais. Aux
susceptibles que cette attitude peut choquer, disons que les Franais furent
souvent leurs ennemis, et quĠils leur apparurent comme des barbares. CĠest la
croisade contre les Albigeois que ces potes durent de disparatre. Les
Troubadours ne parlaient pas franais. Du moins ils ne parlaient pas la
langue qui devint le franais que nous connaissons. Leur langue tait
artificielle, en ce sens quĠelle nĠtait pas le parler populaire de tel ou
tel lieu, un de ces patois dĠici ou de l, dont lĠensemble est connu sous le
nom de langue dĠoc. Pour trop de gens, elle est le provenal: pour les potes
du douzime et du treizime sicle, quĠils fussent de Provence, de Corrze,
du Prigord, de Toulouse, de Ligurie ou de Catalogne, elle portait plutt le
nom de ÒLimousinÓ. Mais ce nĠtait l que manire de parler. Le langage
dont ils usaient, ils le forgeaient avec les lments de leur terroir,
lĠinventaient, le dveloppaient, lĠornaient, le raffinaient, et il faut bien
le dire aussi, quelques-uns le torturaient pour en faire, comme dĠune rosace
avec des vitraux, un bijou prcieux o la pense prenait alors sous ce nouvel
et encombrant atour une mystrieuse obscurit, celle-l mme qui voile le nom
de Trobar Clus
ou Ò trouver obscur Ó T e n s o e l e c
t r i c a l'eretja
experina cansos dels
trobadors / |